« Je me souviens d’une autoroute coupée en deux, je n’ai pas vu le panneau, je fermais les yeux. » Alain Bashung
Esclaves de l’économie pulsionnelle
Le drame du patient limite est dans la puissance (masse et énergie) de sa pulsionnalité vive, qu’il ne maîtrise pas (et ne peut donc transformer en pouvoir), littéralement l’emporte et le désubjectivise dans les moments de crise. Un moi dépossédé de lui-même dans l’éternel retour d’une confusion entre le soi, l’objet, et le besoin-désir. Et au cœur-réacteur de ce chaos archaïque, un « sujet » — très peu sujet de lui-même tant il est dans ce hors sens intemporel, hors de lui… — n’est pas « dedans », comme il le dit si souvent. C’est qu’un noyau archaïque sous-tend l’apparente (et leurre) problématique névrotique et la branche œdipienne « pourrie » à laquelle s’accroche désespérément le sujet limite, et qui rapidement craque. Alors la violence pulsionnelle fait effraction plus qu’elle ne s’organise et se meut en désir dans le formant œdipien. Le sujet, comme violenté de l’intérieur, est alors dans l’obligation d’avant tout s’en excaver et l’évacuer, de s’en expurger, et de l’expulser, et d’ainsi faire cesser (ou du moins, espérer « zapper ») l’angoisse que l’excitation libre (de l’horreur au désir) génère. Il y a là une impuissance à exister dans ce bouillonnement et une « terreur » et pas seulement une angoisse à ne pouvoir y être pleinement soi-même. Cette « terreur d’exister1 » quand elle n’étrangle pas le sujet limite et le fait alors verser dans la confusion et le délire, l’oblige pour être « tel qu’en lui-même », à se tenir au plus près de ses limites, de ses frontières délimitantes et subjectivantes, mais toujours sur une ligne…