Depuis longtemps, je me suis interrogé sur les analogies qui pouvaient exister entre ce que j’ai appris de ceux, maintenant nombreux, qui se sont penchés sur la compréhension théorique du fonctionnement psychique des sujets présentant un « état limite » et ma clinique de l’adolescence. Ma réflexion sur ce sujet s’est faite en deux temps. J’y associerai aujourd’hui un troisième temps.
Le premier temps a été marqué par une prise de distance vis-à-vis du concept de crise largement répandu dans les années 1960-1980 à la suite des travaux en particulier de Pierre Mâle et d’Evelyne Kestemberg, pour ne citer en France que les pionniers d’une approche psychanalytique des problèmes de l’adolescence. J’ai cité ailleurs les raisons de cette prise de distance1. J’en suis arrivé à proposer une réflexion sur ce qui m’est apparu comme plus précis dans la problématique de nombreux adolescents que je rencontrais : « une menace dépressive ». Cette dernière me paraissait sous-tendre les nombreux problèmes comportementaux d’attaque de soi et d’attaque de son corps chez de nombreux adolescents que je rencontrais. Ce point de vue est venu se confirmer par la compréhension de la dynamique transféro-contretransférentielle que je pouvais repérer dans les moments difficiles du processus psychanalytique des adolescents que j’avais en psychothérapie. Je rappelle ici les principales lignes de cette idée. Cette « menace dépressive » habite ces adolescents confrontés à leurs difficultés d’aménager la problématique centrale pour moi de ce processus d’adolescence : établir des liens qui ne mettent pas en péril le narcissisme.
L’échec de ce mouvement met en fait en péril à la fois le lien à l’objet et l’amour de soi. La quête objectale se transforme en une permanente et plus ou moins implicite menace objectale.…