L’adolescence est bien la période de la vie dans laquelle on ne veut pas entendre parler d’attachement, celle où l’on veut se croire libre, grand, indépendant, capable d’affronter la solitude, de conduire sa vie et son destin. Au moment de l’avènement de la capacité sexuelle de l’adulte, l’adolescent ne veut plus rien savoir de sa sexualité infantile, de ses objets infantiles, de ses terreurs, de ses joies, et de ses éclairs. L’a-t-il d’ailleurs jamais connue, cette sexualité-là, au sens de la reconnaître comme source de ses émois, de son humour, de la force de ses peurs, de la vigueur de son trait lorsqu’il dessinait, et que, comme Picasso, il ne cherchait pas, mais trouvait la figuration de ce qui, enfant, l’animait, le troublait, le réveillait, poussait sa curiosité ? Mais cette source est toujours active, si elle n’est plus visible, et celle de l’attachement l’est tout autant. Il est donc difficile de se représenter l’action réciproque de ces deux forces à l’adolescence, puisqu’elles opèrent cachées. On n’en voit que la résultante, ou les avatars : ils nous sont familiers, qu’il s’agisse de la fuite de cet entre-deux typique qu’est l’adolescence et de ses enjeux, dans la sexualisation, le passage à l’acte, la toxicomanie, l’attaque de son propre corps, dans l’espoir de se le rendre propre, dans les deux sens du terme.
Bref, tout cela représente le contraire de l’adolescence vive, où la créativité s’exprime dans la façon de rechercher du neuf sous le vieux, d’une autre forme des choses, d’un autre ordre, du mélange de la légèreté et du rigorisme. Mais nous savons combien l’acte est opaque, combien il est difficile de savoir si un acte fait symptôme, ou s’il en est justement un échec, combien la conduite fait écran au conflit sous-jacent,…