Les États Généraux de la Psychiatrie, qui se sont déroulés à Montpellier au mois de juin, ont connu un succès considérable. Cette vaste mobilisation des professions de la psychiatrie a montré que le constat de crise est largement partagé et que nous avons la capacité de déployer une formidable énergie pour en débattre. Il nous faut maintenant approfondir la réflexion engagée.
Peut-on se contenter de réclamer l’augmentation des moyens de la psychiatrie publique sans une sérieuse discussion de redéfinition de nos missions, et sans ignorer le fait que nos budgets par habitant varient, d’un secteur à l’autre, du simple au double ? Peut-on faire l’économie d’un débat sur nos soins hospitaliers, nous contentant de nous alarmer de la baisse du nombre des lits, dans une protestation qui mêle la voix de ceux qui ont 25 lits pour 80.000 habitants, à la voix de ceux qui en ont trois fois plus ?
Peut-on se limiter à la dénonciation de l’amalgame entre pathologie psychiatrique et misère sociale ? Pourtant, le quotidien de notre clinique nous apprend que le poids du soin d’un patient, par exemple la durée de son hospitalisation, dépend certes de la gravité de sa clinique, mais encore plus de son contexte social (niveau de ses ressources socio-économiques, qualité du soutien familial, etc.). Comment sortir de l’opposition simpliste, et dangereuse, entre « trouble psychique » et « souffrance sociale » et reconnaître à la détresse sociale sa vraie place de « coefficient de péjoration » dans nos propositions soignantes et institutionnelles ?
Peut-on continuer à défendre la dimension psychothérapique de notre activité soignante sans réfléchir à l’intégration, dans notre système de sécurité sociale, des psychothérapies effectuées par les non médecins ? Comment mener cette réflexion en prenant en compte les intérêts légitimes de nos collègues du secteur privé ? Et comment intégrer à cette réflexion une articulation originale entre consultations du secteur public (donc gratuites) et consultations en cabinet privé ?
Peut-on regretter que la pratique psychiatrique s’intéresse davantage à la « maladie » qu’au « malade », peut-on s’inquiéter de la régression de la subjectivité dans notre idée de la maladie mentale, sans engager le débat avec les responsables de l’enseignement de la psychiatrie, et notamment de la formation des jeunes psychiatres depuis une vingtaine d’années ?
Les États Généraux de la Psychiatrie ont eu le grand mérite de montrer qu’il y a consensus quant à la nécessité de se mobiliser et de réfléchir ensemble. Mais pour que cette mobilisation débouche sur des propositions, il nous faut à l’évidence affronter nos divergences et contradictions.