Anish Kapoor. Leviathan. Monumenta 2011, Grand Palais, du 11 mai au 23 juin 2011
Si vous voulez faire une expérience extraordinaire, allez au Grand Palais voir l’installation Léviathan. Il faut y aller, car aucune photo ne peut en rendre compte.
Une fois entré dans l’immense Nef, on vous fait franchir une petite porte tournante, et là vous changez de monde. Où est-on ? Qu’éprouve-t-on ? Englouti par des espaces qui semblent tendre vers l’infini, suffoquant à cause de l’air pressurisé, ébloui par la couleur rouge sombre mi-transparente, aspiré par ces tunnels qui semblent vous inviter à aller … aller où ? Naissance, mort …
Cette quatrième version de Monumenta, après celles de Anselm Kiefer, de Richard Serra et de Christian Boltanski, toutes remarquables et complètement différentes, montre que c’était une idée grandiose de confier à de grands artistes ce bâtiment afin qu’ils y réalisent une œuvre. Anish Kapoor amplifie les dimensions déjà gigantesques du Grand Palais. Comme beaucoup d’œuvres contemporaines – c’est même une des caractéristiques de l’art d’aujourd’hui – l’artiste ne nous met pas face à un objet que nous regardons, mais il nous fait rentrer dedans. Nous fait-il franchir la barrière, la « césure » de W. R. Bion, entre le prénatal et le post-natal ? En entrant dans les grandes bulles, on éprouve le choc esthétique de Meltzer et la question que Meltzer prête au bébé « Est-ce aussi beau à l’intérieur ? » reçoit une nouvelle réponse : « oui, c’est même encore plus beau » !
L’œuvre suscite en même temps un sentiment océanique d’élation et d’inquiétante étrangeté. D’ailleurs on prévient le visiteur que l’air est pressurisé et que la visite est décommandé aux femmes enceintes, aux bébés et personnes soufrant d’insuffisance cardiaque. Dans l’entrée, bien visibles, des fauteuils roulants semblent prêts à emporter ceux qui auraient défailli. Comme quoi, on ne re-visite pas impunément l’univers intra-utérin !