La méfiance en chacun de nous
Les méfiants : voici un titre magnifique ! Magnifique parce qu’inattendu, et peut-être surtout inattendu pour nous, psychanalystes. Car cela n’aurait eu rien à voir si le livre de Vladimir Marinov s’était appelé Les paranoïaques. Le choix du « méfiant », et sa substantivation désigne ceux qui sont avant tout « méfiants », ceux qui se méfient toujours et tout le temps, ceux dont ce serait le trait le plus caractéristique au point qu’on pourrait les appeler comme ça : les méfiants. Au fond, le titre de cet ouvrage prend le problème à revers et ouvre un espace de pensée inédit par-delà le lieu commun clinique de la sensitivité paranoïde ou la persécution paranoïaque. Car il ne s’agit pas de stigmatiser les méfiants ni même d’en tracer un portrait psychopathologique, mais, bien plutôt de faire apparaître le fond de méfiance qui git en chacun de nous dans les liens que l’on peut tisser avec les autres et avec nous-mêmes.
Les méfiants prend aussi sens dans une trajectoire de recherche qui s’intéresse à la plasticité infinie des formes de la vie psychique ainsi qu’aux fantasmes qui la constituent et la façonnent. Vladimir Marinov s’intéresse au premier chef à la manière dont la psyché se déforme, dont elle se tord et se déplie pour accoucher de formes inédites, démesurées, surprenantes et parfois même monstrueuses : ces formes ne lui font jamais peur, elles ne le rebutent jamais, il a pour elles une inlassable curiosité voire un véritable appétit. Depuis son premier ouvrage en 1990, Figures du crime chez Dostoïevski jusqu’aux Méfiants en 2018, la trajectoire de ses investigations théoriques et cliniques embrasse de nombreux thèmes : Anorexie, addictions et fragilités narcissiques en 2002, L’anorexie, une étrange violence en 2008, mais…
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