A partir de l’oeuvre de Myriam David : quel accueil proposer aux enfants ?
Aix en Provence, 4 et 5 avril 2003.
Au cours de son riche parcours, Myriam David a suscité de nombreuses rencontres qui ont été à l’origine de pratiques courageuses et novatrices. Pour son premier grand colloque, l’Unité de Recherches sur les Liens Précoces (URLP), composée essentiellement d’universitaires et de professionnels de la périnatalité de la région PACA (Provence Alpes Côtes d’Azur), a souhaité restituer ces rencontres fécondes et créatrices à travers l’exposé des collaborateurs ayant exercé dans des institutions fondées par Myriam David. Des représentants de l’association Pikler Loczy de France, en lien avec l’institut Pikler à Budapest, soutenus par la réflexion constante de Myriam David, ainsi que des médecins de PMI, enrichis par ses propositions pratiques et théoriques, ont également pris part aux communications.
C’était une occasion à la fois de célébrer et d’approfondir pour la première fois une ouvre de grande envergure et de permettre aux équipes émergentes de la région de se référer à une tradition thérapeutique qui place l’enfant au cour de son dispositif. En même temps que le colloque, un dossier spécial Avec Myriam David : quel accueil pour les jeunes enfants ? a été publié dans la revue Spirale, qui en reprend certaines des communications et propose, en plus, des textes et des documents originaux.
La matinée du vendredi matin fut consacrée à l’évocation de moments fondateurs. D’abord, M.-L. Cadart, médecin responsable de PMI d’Aix en Provence, dans son exposé Une histoire de rencontres, présenta comment M. David inspira sa pratique auprès des familles à difficultés multiples qu’elle décrit d’une manière tout à fait claire et pertinente. Au cours du dialogue qui s’en est suivi, Myriam David rappela que la vocation de la PMI n’était pas seulement celle d’accompagner les enfants et les parents en grande difficulté, mais aussi celle de proposer une approche préventive et d’étayage pour des nombreuses autres familles ne présentant pas nécessairement de troubles psychopathologiques avérés.
Ensuite, la mise en oeuvre de la pratique du placement familial dans le Centre Familial d’Action Thérapeutique (CFAT) fut présentée par Hanna Rottman, pédopsychiatre, psychanalyste, qui succéda Myriam David à la direction du Centre et par Eve-Marie Léger, psychologue, qui exposa surtout la particularité de l’accompagnement thérapeutique des personnes concernées par le placement familial. Après ces exposés, Myriam David réaffirma avec force que le placement familial soit se donne les moyens d’être thérapeutique, soit il court le risque d’être pathogène.
La création et les modalités particulières de fonctionnement de l’Unité de Soins Spécialisés à Domicile de la Fondation Rothschild, dans le 13ème Arrondissement de Paris, enfin, furent exposés par Françoise Jardin, pédopsychiatre, psychanalyste, qui en assuma la direction au moment du départ de Myriam David à la retraite. Catherine Le-Van, puéricultrice, de l’Unité de Soins Spécialisés à Domicile également, déclina les notions clés qui fondèrent son travail auprès de Myriam David, parmi lesquelles : continuité, attention, disponibilité, interaction, séparation et individuation. Les intervenants de l’Unité de Soins Spécialisés à Domicile ont tenu à témoigner qu’il ne s’agissait pas là de vains mots, ou de consignes vides de sens, mais d’une pratique organisée en permanence par ces principes d’approche de l’enfant. « Et l’enfant ? », justement, interrogea Marthe Barraco dans une courte et vibrante allocution où elle rappela comment l’équipe de l’Unité était interpellée par Myriam David lorsque le principal intéressé disparaissait des échanges des professionnels. Pour Myriam David, la connaissance fine et profonde de l’univers psychique de l’enfant était une priorité constante, sans oublier, bien entendu, l’intérêt permanent pour l’accompagnement des parents.
Le texte de Geneviève Appell, qui ouvre le numéro de Spirale consacré à Myriam David, et où elle expose les premières années de travail de Myriam David à la Fondation Parent de Rosen, annexe du « dépôt » de l’Assistance Publique, correspond tout à fait à l’esprit des communications présentées lors de la matinée du vendredi. Une partie importante de l’après-midi de cette journée fut consacrée au travail dans sept ateliers cliniques.
Des réseaux pluridisciplinaires de la région ont présenté de situations de suivi d’enfants, là où ils se trouvaient : domicile, crèche, maternité, PMI, maison d’accueil parents- enfants et unité parents-bébés. A travers l’échange avec ces équipes, il était important de faire remarquer l’apport de Myriam David, en psychanalyste avisée, à l’écoute et à la considération de processus inconscients dans des suivis thérapeutiques autres que les consultations et thérapies psychanalytiques traditionnelles. Il est à remarquer aussi que dans deux de ces ateliers ont été exposés les travaux de jeunes psychologues, ce qui permet de réfléchir sur les modalités de formation pour une clinique particulière en périnatalité. Nous avons le projet de publier les textes présentés dans les ateliers dans un prochain exemplaire de la collection 1001 bébés (Erès).
La journée du vendredi s’acheva par la projection du document vidéo Bébés et jeunes enfants entre eux, réalisé par Geneviève Appell et Maria Vincze, de l’Institut Loczy, à Budapest. On put y apprécier comment des bébés de quatre à vingt mois environ, accueillis à la pouponnière de Loczy, parviennent à échanger et à jouer entre eux, calmement, paisiblement, dans une qualité d’attention réciproque étonnante, exempte de toute animosité. S’en est suivi un débat avec le public, co-animé par Geneviève Appell et Patrick Mauvais, de l’Association Pikler Loczy, où, notamment, les raisons de cette absence d’agressivité entre les enfants ont été, peu à peu, dégagées à partir d’authentiques échanges, soutenus et contenus avec beaucoup de tact et présence par Geneviève Appell.
Ce document vidéo permit également de faire la transition avec les communications du samedi, en première partie de la matinée, consacrée aux liens entre Myriam David et l’Institut Pikler de Budapest. Institution unique pour l’accueil des enfants, la recherche et la formation des équipes qui, depuis plus de 55 ans d’expérience, propose une approche tout à fait originale des bébés et des enfants. Dans les années 70, Myriam David et Geneviève Appell contribuèrent à faire sa connaissance en France.
Dans une table ronde présidée par P. Ben Soussan, Patrick Mauvais, psychologue, montra et précisa toute la richesse de l’utilisation de l’observation pour l’approche des expériences psychiques de l’enfant accueilli dans des conditions parfois difficiles et Julianna Vamos, psychologue, psychothérapeute, aussi de l’Association Pikler Loczy de France, retraça les liens et les collaborations qui au fil des années se sont tissés entre l’Institut Loczy et Myriam David. Il est alors apparu tout l’intérêt d’un dialogue continu, profond et fertile, mûri par des échanges à partir d’observations attentives et rigoureuses d’enfants, où se sont révélées les fonctions pré-verbales et l’importance de la motricité libre dans la constitution du self infantile.
Julianna Vamos réserva au public, et surtout à Myriam David, la surprise d’un montage vidéo, réalisé à partir du tournage consacré par Bernard Martino à la pouponnière de Loczy, Loczy, une maison pour grandir. Il s’agissait de passages d’un interview de Myriam David, qui n’a pas été utilisé dans le montage final du documentaire, où dans son style alerte et vivant, elle cherche à mieux comprendre la nature de l’attachement entre le bébé et sa nurse, considéré parfois comme en retrait par rapport à l’enfant. Elle parvient à présenter et à définir la création d’une sorte d’équilibre relationnel entre le bébé et la nurse, où l’enfant se construit et assure la poursuite de son développement et l’adulte s’engage affectivement sans risque d’être emporté par ses propres émotions. Nous nous sentions stimulés à poursuivre la réflexion soulevée par ce questionnement qui concernait également l’amour et la sexualité.
Le colloque fut conclu par une table ronde, présidée par Bernard Golse, qui, en ouverture, souligna l’intérêt de l’approche de Myriam David tant pour l’enfant et les équipes que pour la recherche en clinique. Il rappela aussi la place essentielle qu’occupe Myriam David pour les soins en périnatalité en France. En résonance avec la table ronde du vendredi matin, fut présenté un texte de Marie-Thérèse Fritz, sur les nouvelles perspectives de placements d’enfants envisageables suite aux propositions de Myriam David à partir de la pratique en PMI. Aussi, Marthe Barraco, de l’Unité de Soins Spécialisés à Domicile, à travers une situation clinique, exposa comment, actuellement, une famille à difficultés multiples est suive par l’Unité. Bruno Rebillaud, actuel médecin directeur de l’Unité, pour sa part, rapporta l’évolution de la pratique à l’Unité en fonction des changements d’approches thérapeutiques et sociologiques.
Une atmosphère amicale et chaleureuse accompagna ces échanges, qui, à l’image de Myriam David même, dans une apparente simplicité pleine de nuances, abordèrent des thèmes essentiels et complexes de nos pratiques. Ces dialogues furent ponctués en permanence par des interventions vives et lumineuses de Myriam David. Un profond sentiment de gratitude s’exprima aussi par ces proches collaborateurs qui, au cours du colloque, ont eu l’occasion de manifester toute la reconnaissance qu’ils éprouvaient pour Myriam David. Cette vague d’enthousiasme et de sympathie n’empêcha pas d’effectuer un travail considérable et, surtout, de garder présente à l’esprit la question essentielle que, depuis les années d’après guerre, avec humanité et modestie, Myriam David ne cesse de soulever : comment tout mettre en ouvre pour assurer le développement et la croissance des enfants, et en particulier de ceux qui grandissent dans des conditions difficiles ?