A la mémoire de Yolaine Quiniou
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A la mémoire de Yolaine Quiniou

Le 5 Novembre 2009, Yolaine Quiniou nous a quittés.

« Ainsi, même dans la mort et son approche, la pensée reste vivante. Au-delà, hormis les problèmes éthiques, le mystère de la vie et le moment de la mort demeurent un permanent questionnement ». C’est ainsi que Yolaine concluait son introduction à une table ronde Médecins et Psychanalystes face aux situations irréversibles, en novembre 1998, au colloque Psychanalyse et Fins de vie, organisé par Danièle Brun et Robert Zitoun.

Yolaine s’était confrontée depuis longtemps aux questions concernant la douleur, la souffrance et la mort, en premier lieu durant ses études de médecine avant sa formation en tant que psychiatre à la psychanalyse, puisqu’elle était membre de la Société Psychanalytique de Paris. Elle avait longuement réfléchi à la douleur, à la mort et à la vie… en réanimation néonatale puis en médecine fœtale à l’Institut de Puériculture de Paris, services dans lesquels elle était entrée à l’instigation de Michel Soulé. Elle y était pionnière avec quelquesuns d’entre nous, nous y avions introduit l’observation du nourrisson et réalisé un petit film outil de formation qui traçait les prémisses de notre réflexion commune autour du trajet qui pouvait mener ces nouveaux-nés, fœtus parfois : Du sensoriel au psychique. Donner sens à l’expression du langage du corps de ces nourrissons, guetter un tout début de vie psychique et prévenir la détresse et la souffrance, étaient les questions auxquelles nous étions confrontées et qui ont relancé sa recherche permanente autour de ces questions. « Par leur position unique d’un être né fœtus, dans leur préhistoire, et morts avant de vivre, les prématurés réanimés nous engagent à poursuivre la recherche ».

Après un travail sur l’allaitement maternel et une longue réflexion sur plaisir et douleur chez ces très petits et dégagement des zones érogènes, Yolaine avait écrit sur « l’allaitement à la sonde » et poursuivi ses investigations sur l’érotisation des soins.

De ces années dans ces services, elle laisse l’image « d’une grande dame », présente à tous et à tout, attentive, chaleureuse, éminemment contenante, humble et rigoureuse dans sa pensée. Elle incarnait parfaitement le message qu’elle faisait passer : les machines suppléaient au ventre maternel mais le groupe parents et soignants insufflait la vie et avec elle la pensée et ce malgré ou avec l’ambivalence extrême liée à cette confrontation permanente aux extrêmes.

C’est sur deux de ses articles, articles où elle revient avec finesse sur des exemples précis et sur sa propre élaboration autour du risque majeur de la pensée opératoire dans ces services à haut risque ainsi que sur le traumatisme, risque également permanent pour tous, que je vais m’attarder. Dans son article de 1998, L’opératoire, une impasse de la réanimation néo-natale ?, Yolaine témoigne de ses particulières qualités empathiques et de son travail pour contre-carrer les risques de chosification et de clivage dans ces services. Elle oppose pensée du rêve et pensée opératoire au travers de trois exemples. Il s’agit de trois rêves : rêve de la mère, rêve du père et de son propre rêve, rêve fait après avoir été en contact avec le fœtus. L’entrecroisement de ces trois rêves, témoignages extrêmement touchants, donne une idée de la qualité de son travail psychique d’élaboration face au trauma mais aussi grâce à son travail de l’ouverture qu’elle autorise à l’investissement sexuel redevenu possible du corps de ce bébé.

A propos de la douleur en réanimation néonatale, au-delà de la réflexion sur douleur physique et psychique, Yolaine approche le carrefour et la rencontre de la douleur effractive dans le corps de l’enfant et de celle plus mentalisée de l’adulte, elle utilise in fine ce contre quoi elle se défendait le moins et qu’elle pouvait montrer : « S’impose le réflexe salvateur du contact contre l’autre pour soulager la souffrance »… « Cela sous-entend que l’on puisse se laisser aller et qu’il y ait acceptation des bras de l’autre. Tout réside dans cette délicate balance, ne pas trop projeter de sa propre agressivité pour être au plus près du bébé, dans un ajustement assorti de tendresse, permettant qu’un équilibre s’instaure dans le sens de la vie ».

Comment lui rendre meilleur hommage que de la lire et ainsi de garder sa pensée vivante ?

Bibliographie

Articles

Quiniou Y. (1986). «Le Gavage». Allaitement à la sonde, Revue Lieux de l’enfance, Privat n° 6/7.

(1987) « Le nouveau-né en détresse vitale et en service de réanimation » In Soulé M., Voyer M., Delegay-Siksou J., Quiniou Pizzoglio Y., Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 34e Année, n°11-12, pp. 545-550, Novembre-Décembre.

(1992) «Bébé en risque continu de traumatisme», revue française de Psychosomatique, 2/1992.

(1996) «Nourir – Etre nourri en réanimation néonatale», Nervure, Journal de Psychiatrie n°6, Tome IX, Sept. 1996.

(1998) «L’opératoire, une impasse de la réanimation néonatale ?», Revue Française de Psychanalyse, 5/1998.

(1999) «A propos de la douleur en réanimation néonatale», Revue Française de Psychosomatique, 15/1999.

(2003) «A propos de la mort en réanimation néonatale», Journal de Pédiatrie et de puériculture, 3/2003.

(2005) «La douleur des équipes soignantes», Journal de Pédiatrie et de puériculture, 2005, n°18

Ouvrages

(1985) Allaitement. In Soulé M., Delaisi de Parseval G., Bonnet C., Delegay Siksou J., Quiniou Y. Rapport dactylographié déposé à l’INSERM, n°828006, 828008, juillet 1985.

(1985) « Psychodynamique de l’allaitement maternel » in Delaisi de Parseval G., Delegay-Siksou J., Quiniou Y., Soulé M, In La Prévision du Sevrage par les Femmes Allaitant. Rapport A.T.P. déposé à l’INSERM, n° 828006-828008, juillet 1985.

Siksou J., Quiniou Y. (1989). Du sensoriel au Psychique. Film Copes-Audiovisuel : V.H.S. Secam 17

(1995) «Lettre aux amis somaticiens» In Brun D. (dir.) Pédiatrie et Psychanalyse, PAE.

(1997) « Présence d’un psychanalyste en réanimation néonatale comme auxiliaire de la vie psychique » In Guedeney A., Lebocivi S. Interventions Psychothérapeutiques Parents-Jeunes Enfants, Masson.

(2004) « Observation en service d’hospitalisation des nouveaux-nés », Traité de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, In Haag M, Haag G., « L’observation du nourrisson selon Esther Bick (1901-1983) », PUF (nouvelle édition).

Autres articles publiés

(2003) « Nourrissages en réanimation néonatale », In Blin D., Soulé M., Thoueille E. Allaitement maternel : une dynamique à bien comprendre, Erés, 2003.

(2003) « De l’interruption médicale de grossesse à l’arrêt de réanimation », Journal de Pédiatrie et de puériculture, 3/2003.