La bactérie nommée hélicobacter pylori a fait vivre à certains psychosomaticiens des moments douloureux. Étudiante, j’ai appris que la maladie psychosomatique par excellence était l’ulcère de l’estomac. Mes enseignants semblaient savoir tout sur le déterminisme psychique de la maladie, sur son déroulement lié aux différents affects et stress, sur les désirs inconscients qui débordaient le patient le poussant à une agressivité dirigée contre son corps, voire contre son estomac. Mais, l’hélicobacter pylori a déstabilisé la théorisation. En 1995, lors d’une conférence de consensus, le corps médical a reconnu le rôle étiologique de la dite bactérie dans le
développement de la maladie ulcéreuse et a conseillé de la traiter comme une maladie infectieuse. Puis, nous avons appris qu’entre 20% et 90% des individus étaient infectés selon les pays et que tout se jouait avant l’âge de 10 ans.
Ainsi, la psyché n’était plus en cause avec ses complexités et ses violences. L’ulcère après avoir été provoqué par une cause psychique l’était à présent par une cause somatique. Nous étions là en plein dualisme, le fonctionnement de la psyché et du soma étant bien séparés. C’est ce qu’a affirmé Descartes et a été le point de vue de la psychosomatique à ses débuts. Nous savons maintenant que seul 10% des individus infectés développent un ulcère et 1% une néoplasie gastrique. Il est à nouveau reconnu, qu’entre autres, les émotions, les traumatismes sont des facteurs qui entrent en compte dans la genèse de la maladie car tous les individus ne sont pas infectés et ceux qui le sont ne développent pas tous un ulcère ou un cancer. Cette histoire nous apprend qu’il est préférable de penser que corps et psyché sont organisées ensemble très intimement, ce que la psychosomatique contemporaine défend, elle nous montre aussi que Descartes avait tort.