L’hôtel s’appelait Hôtel Xenia. C’était un cube tout simple planté en bordure de plage, à Skyros, une île grecque, aux temps anciens où il n’y avait pas d’aéroport, pas de parasols, pas d’arbres pour faire de l’ombre. Et pratiquement pas de touristes. En dehors des deux clans, le clan Diatkine et le clan Soulé et leurs annexes. Par contre il y avait encore des poissons dans la mer, entre autre des « barbounias » nom grec pour rouget barbet. Ce qui constituait le plat principal des déjeuners, dans des petits bistros, à l’abri d’une toile tendue au dessus des tables pour protéger du soleil. Suivaient des tranches de melons, que le garçon accompagnait d’un commentaire qu’il avait appris à force de nous l’entendre répéter : « le melon, i n’est pas bon ». Et on riait… Les journaux français n’arrivaient pas jusque là, ce qui privait les deux chefs de clan de leur joute favorite : à celui qui réussirait le premier à terminer les mots croisés du Monde… Faute de quoi ils se réfugiaient alors dans leurs chambres pour soi-disant écrire leurs articles. Il n’empêche que le soir, tout le monde était recuit de soleil, et l’heure de l’ouzo était la bienvenue. On se retrouvait tous pour diner dans la salle à manger de l’hôtel : murs blancs, nappe blanche, lumière blanche crue. Des fumeroles, venues de la cuisine flottaient dans l’air amenant une odeur acre de fumée.
Les ados tenaient un bout de la table, les adultes, l’autre. C’est lors d’un de ces dîners que Michel eut ce mot d’esprit resté célèbre dans nos mémoires. Les menus -très brefs- étaient posés sur les couverts, annonçant de façon intrigante dans le contexte Beateck Tolstoi. Le garçon apporta les assiettes contenant des sortes de boulettes de viande, genre steacks hachés de petite taille. C’est alors que dans le silence général de déconvenue, la voix de Michel se fit entendre : (Et ici le lecteur est prié de prononcer tout haut ce qui va suivre, car l’écrit ne rend pas compte de l’effet provoqué) « Ils ne sont guère épais » dit-il avec cet extraordinaire esprit d’à propos et cette capacité à jouer sur les mots et la culture. Les serveurs n’ont jamais compris la raison de l’énorme éclat de rire qui s’en suivit. Et moi, quand je raconte cette histoire, j’en ris encore.