Il existe deux façons de ne pas reconnaître l’animal : le voir comme une machine ou le considérer comme un autre soi-même, doué des mêmes émotions et des mêmes états d’âme. Or l’animal n’est ni un « objet », ni un « sujet », il appartient à une troisième catégorie qui est intermédiaire aux deux précédentes. En pratique, il est vrai, ces trois catégories sont facilement confondues : on peut traiter un animal comme une chose, et un humain comme un animal ou un objet, le XXème siècle l’a abondamment démontré ! Inversement, on peut voir l’animal comme un alter ego auquel il ne manque que la parole, et se sentir moins seul avec un robot de compagnie.
Pourtant, il existe des différences. D’abord, nous ne nous mettons jamais à la place des objets : tenter d’imaginer ce qu’éprouve un pont de chemin de fer au passage d’un train ne relève pas de l’empathie, mais du trouble mental ou de la poésie. Et si nous ne sommes pas tous frappés d’idiotie, il devrait en être de même avec les prochains robots d’apparence humaine.
Mais une fois admis que l’empathie fonctionne entre l’homme et l’animal aussi bien qu’entre l’homme et l’homme, où faire la différence ? C’est qu’il existe deux formes d’empathie, l’une directe et l’autre réciproque. Dans la première, je me mets à la place de l’autre, mais dans la seconde, je lui reconnais le droit de se mettre à la mienne et j’en attends qu’il me donne son point de vue sur ce qu’il perçoit et comprend de moi. La première de ces empathies est courante avec les animaux, mais la seconde est difficile. C’est pourquoi nous pouvons avoir avec eux une relation intime, voire même excessivement intime, mais que nous n’aurons jamais avec eux une relation « extime », au sens où il est difficilement imaginable d’attendre d’eux qu’ils nous donnent leur avis sur ce que nous leur dévoilons de notre intimité. C’est la limite de l’empathie avec eux. et aussi probablement ce qui rend leur compagnie si paisible et gratifiante…