La mystique du garçon de café
Éditorial

La mystique du garçon de café

Au garçon de café apprenti, on recommande de ne pas regarder les tasses pleines qu’il porte sur un plateau. Il risquerait de les renverser ou du moins de les faire déborder. Ce conseil est bizarre, car enfin il faut bien voir en permanence si le plateau est maintenu à l’horizontal. Autrement, en cas d’inclinaison défectueuse, comment rectifier la position ? Cela relève du plus élémentaire bon sens. Est-ce bien sûr ?

Le garçon de café ou la serveuse qui agissent de la sorte supposent qu’ils sont ou risquent d’être à tout instant en état de déséquilibre. C’est cela leur guide : surtout éviter la catastrophe et donc rester vigilant. Oui, mais c’est pourtant le moyen le plus sûr de voir la soucoupe offrir à la tasse ce que l’on nomme vulgairement un bain de pied. Pourquoi en est-il ainsi ? La réplique au bon sens est de l’ordre de la pratique. Tout garçon de café et toute serveuse rompus à leur métier se contentent de crier « Chaud devant » et, comme des danseurs habiles, ils peuvent se faufiler parmi les clients, les tables et les chaises sans jamais se préoccuper de ce qu’ils tiennent sous la main. Ils sont sans cesse en équilibre et trouvent spontanément la posture idoine qui tient compte de tous les facteurs qui composent la scène.

Ainsi en est-il tous les jours : si nous laissions le temps à notre corps intelligent d’être inspiré par la totalité de notre existence, nous trouverions les gestes qui en tiennent compte et nous serions délivrés de bien de nos maux. Surtout ne pas penser, mais laisser la vie multiforme nous conduire.