Centre Pompidou,
27 février – 20 mai 2013.
C’est une découverte : Alina Szapocznikow (1926-1973). Tous ceux qui viennent voir cette exposition se disent : « Mais comment se fait-il qu’on n’avait pour ainsi dire pas entendu parler de cetteartiste ? » Qui s’impose d’emblée comme une artiste majeure du 20ème siècle. L’exposition ne fait que nous y introduire, car elle montre surtout des dessins alors que Alina Szapocznikow est essentiellement une sculptrice (dont on peut découvrir les sculptures, faute de mieux, sur Internet).
Alina Szapocznikow, d’une famille juive de médecins, a grandi dans la Pologne occupée de la Seconde guerre mondiale, dans un ghetto, avant d’être internée à Auschwitz, puis à Bergen-Belsen. Adolescente, Alina travaille dans le camp comme infirmière auprès de sa mère, médecin. À la fin de la guerre, elle s’initie à la sculpture à Prague, puis, en 1947, elle viendra à Paris. Suite aux séquelles des camps, elle a une tuberculose, qui la laisse stérile. Au début de l’année 1969, Alina Szapocznikow est atteinte d’un cancer du sein qui l’emporte en 1973, à 47 ans.
Cette petite femme d‘un mètre cinquante-deux, drôle, intelligente, très cosmopolite, ne voulait pas parler de ses souffrances. «La déportation, je ne la raconte pas en public. C’est trop impudique. ».
Le corps est au centre de son œuvre, surtout le corps féminin, objet de transformations et de métamorphoses. Artiste innovante, elle introduit dans son oeuvre le moulage des parties de son propre corps et utilise des matériaux nouveaux comme le polyester. Comme Rodin, elle démembre le corps humain – son propre corps – qui devient son sujet privilégié. Corps morcelés, déformés, tantôt érotiques, tantôt monstrueux ; aussi bien fantaisistes que tragiques. A la fin de sa vie, sachant qu’elle allait mourir, s’ouvre une période de création intense avec la série des Fétiches, moulages de fragments corporels et d’objets trouvés. Et les Paysages Humains, où apparaît la couleur dans un univers plus onirique, où on pourrait voir un apaisement ultime.
Elle a été reconnue tard, comme Louis Bourgeois, à qui on la compare et avec laquelle il y a des affinités évidentes. Mais la différence est que Alina Szapocznikow est morte à 47 ans, alors que Louise Bourgeois a vécu jusqu’à cent ans… Comment se serait développée son œuvre si elle avait vécu plus longtemps ?
Alina Szapocznikow est complètement engagée dans ce travail sur le corps, en relation avec son histoire et sa maladie. Les corps mutilés ne sont-ils pas l’évocation des corps torturés qu’elle a vus dans les camps ? Ensuite, répétition du traumatisme, les sculptures de corps découpés, avec des tumeurs et des excroissances, ne sont-ils pas une manière de figurer – d’exorciser ? – le corps malade, subissant chirurgies et traitements ? « Dessiner pour elle, c’est penser le corps », écrit un critique d’art. Elle aimait, comme Louise Bourgeois, se faire photographier avec ses sculptures, qu’elle revêt comme un habit ou qu’elle habite comme un vêtement.
Comme Louise Bourgeois d’ailleurs, elle utilise des fragments de vêtements qu’elle a portés, qu’elle incruste dans la matière, polyuréthane liquide solidifié. Peut-on dire qu’il y aurait là, chez ces deux artistes, en dépit de l’idée qu’il ne faut pas catégoriser les artistes en homme ou femme, une manière spécifiquement féminine de traiter le corps féminin ?