La richesse et la densité du livre de Vladimir Marinov Le charognard, le boucher et le guerrier (Marinov, 2021) m’ont contraint à sélectionner les avancées théorico-cliniques qui m’ont semblé les plus heuristiques.
Pour introduire son propos sur l’Œdipe mélancolique, Vladimir Marinov procède à une forme de régression paléoanthropologique temporelle sur l’alimentation des premiers hominidés. En s’appuyant notamment sur les thèses de l’archéologue Lewis Binford (1983), il pose la question du statut alimentaire de ces derniers : charognards ou chasseurs ? Guerriers ou bouchers ? Cette question redessine les contours d’une interrogation métapsychologique qui me semble tout à fait fondamentale, celle de l’existence d’éventuelles racines pulsionnelles communes entre destructivité et autoconservation. En effet y a-t-il un continuum entre répétition inhérente à la pulsion de mort telle qu’elle est définie dans « Au-delà du principe de plaisir » (Freud, 1920) et l’autoconservation qui dans la première théorie pulsionnelle s’oppose à l’Éros. La réponse est peut-être et selon moi contenue bien avant le tournant des années 1920, avec l’introduction du narcissisme et son déploiement dans Deuil et mélancolie (Freud, 1915) où l’objet est justement choisi sur un mode narcissique pour être paradoxalement conservé et détruit. Cette question est aujourd’hui pertinente, notamment dans la clinique des addictions, pour laquelle Sylvie le Poulichet (1987) parle d’autoconservation paradoxale. André Green (2002) a également, en s’adossant sur les recherches de Jean Claude Ameisen (1999), émis la même hypothèse. À partir de la notion de suicide cellulaire : l’apoptose, effet de la pulsion de mort, programmée biologiquement, il montre comment celle-ci permet au reste des cellules de pouvoir croitre et se multiplier de manière non anarchique, comme c’est le cas des cellules tumorales. Il s’agit bien d’une mise à mort au service de la conservation.
Vignettes cliniques
Déjà abonné ?
Les abonnements Carnet Psy
