Le polymorphisme sexuel infantile — et plus extensivement humain — est une des plus grandes découvertes de Freud, qui y ajoutait la nuance de la perversion. C’était en 1905 dans les Trois essais sur la théorie sexuelle. Le premier de ces essais fait l’apologie de l’amour érotique sous toutes ses formes, jusqu’aux surprises de la sublimation, tandis que le troisième invite à intégrer ces formes multiples à la sexualité adulte caractérisée par la prévalence de la zone érogène génitale et de ses sensations spécifiques ainsi que par l’engagement dans la relation à l’autre.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Il semble que l’idée du polymorphisme l’emporte désormais sur la sexualité génitale dans les représentations psychosociales de la sexualité. À moins qu’il soit plus exact de dire que la recherche de formes érotiques nouvelles remplace ce que l’on appelait jadis « génitalité ». Mais dans la vie concrète de chacun(e), cette admission du polymorphisme sexuel d’origine infantile — avec son quantum d’indétermination et sa potentialité perverse résultant d’un moindre contrôle des pulsions — n’est pas chose facile. La libération sexuelle moderne a généré un monde moins hostile à la sexualité, mais en pratique l’angoisse, la phobie, la frustration et la culpabilité sont toujours là. Il faudrait s’interroger sérieusement sur les raisons de ce décalage entre les discours et les faits : c’est ce que font les psychanalystes confrontés à des économies libidinales, narcissiques, poly-érotiques, et addictives. Mais la société préfère croire que le problème résulte de ce que la libération sexuelle est restée insuffisante et qu’il faut aller plus encore dans le sens d’un polymorphisme débridé. Erreur ! En effet, le polymorphisme n’est jamais aussi créatif, inventif et puissant que lorsqu’il est encadré par une sexualité adulte génitale (hétérosexuelle ou homosexuelle) suffisamment bonne : pensons par exemple à l’artiste qui d’un côté a une…
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