Lorsque je rencontre le jeune Ibrahim, âgé de cinq ans, j’exerce depuis seulement deux ans en tant que psychologue clinicienne et je travaille dans une unité accueillant des enfants autistes et psychotiques au sein d’un Centre d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP). Des années plus tard, je voudrais partager l’expérience de sa rencontre, car elle m’invite encore à comprendre les mécanismes de la psychose infantile, dans leurs aspects les plus sensibles. Pour accueillir Ibrahim, et tenter de lui offrir une autre voie que celle de la répétition mortifère, il a fallu entendre les mouvements contre-transférentiels parfois violents qui m’ont traversée. Au fil des mois, j’ai été saisie par de forts sentiments d’impuissance, d’annihilation, j’ai éprouvé du rejet et de la colère, mais j’ai aussi pu prendre du plaisir à jouer, et avoir envie de prendre soin d’Ibrahim. Mon travail a consisté à mettre en forme ses ressentis, les écrire, les traiter, les partager, en supervision, et dans les échanges avec l’équipe du CAMSP. La présente contribution est le fruit de cette élaboration, qui met en lumière les enjeux transféro-contre-transférentiels les plus marquants dans la rencontre avec un enfant psychotique.
Ibrahim est suivi au CAMSP depuis un an pour des troubles du comportement associés à un retard de langage. Il est le premier enfant du couple parental. Il a un frère et une sœur aînés respectivement âgés de 18 et 20 ans, issus d’une première union maternelle. Il a aussi un petit frère, Mounir, né douze mois après lui, qui est également suivi au CAMSP. Alors que celui-ci n’avait que quelques semaines, la fille aînée de Madame est victime d’un grave accident lors duquel elle est violemment percutée par une voiture. Elle est alors hospitalisée plusieurs mois et subit une longue rééducation. Sans…
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