L’année 2023 se lève sous un soleil noir. On ne peut se contenter d’énumérer les mauvaises nouvelles — l’inflation, la crise des services publics ou la menace climatique — sans observer qu’un processus inquiétant et d’un genre inédit est aujourd’hui à l’œuvre dans nos sociétés démocratiques. « Il y a quelque chose dans nos sociétés qui, en quelque sorte, devient fou ». Prononcée par le Président de la République, la phrase sonne juste. Quelque chose de fou s’empare de notre société, en effet.
S’il fallait condenser cette folie en un instant, on choisirait sans doute la séquence de l’émission « Touche pas à mon poste » animée par Cyril Hanouna au cours de laquelle l’animateur vedette a insulté le député Louis Boyard (LFI) devant deux millions de téléspectateurs le. 18 novembre 2022 : « Pauvre con », « t’es une merde », « va te faire foutre », « bouffon va ». Le plateau est coutumier des altercations, mais cette séquence révèle à la fois la banalité et l’ampleur de la violence qui se déploie sous nos yeux. Mais cette folie, c’est aussi celle des fake news qui prospèrent à ciel ouvert sur les réseaux sociaux où les faits sont détricotés au profit des croyances les plus insensées, celles qui remettent en cause le vaccin, le réchauffement climatique, les motifs de la guerre en Ukraine, les conquêtes de la science, etc. S’ajoute à ce paysage la folie de l’extrémisme politique, enfin, qui a permis l’accession au paouvoir de Giorgia Meloni après celle de Donald Trump et de Bolsonaro, après la radicalité du Brexit et la poussée des extrêmes en Europe.
Donc oui, la folie s’empare de la démocratie ; oui, des enclaves psychotiques essaiment en ligne ; oui, les étudiants se suicident dans des proportions sans pareil ; oui, la radicalité religieuse est devenue…