Nous savons que les psychiatres et les psychologues n’ont pas seuls la légitimité et la capacité de « faire » la santé mentale comme nous l’avons soutenu depuis 1994, à l’Orspere-Samdarra et à l’ONSMP : la clinique de la précarité est résolument transversale, concernant tous ceux qui sont en lien d’aide ou d’accompagnement. Elle permet d’ailleurs aussi bien de comprendre la souffrance au travail, le burn out, et nombre de problématiques avec les jeunes, sans compter certains mouvements sociaux qui restent illisibles sans cette approche qui est hélas minoritaire en la matière.
La précarité n’est pas devenue obsolète, au contraire, elle est quasiment au centre du monde. J’ajouterai que le management national et mondial de la pandémie au COVID-19 ne peut se comprendre sans le recours aux formes contemporaines de la précarité, comme je l’ai développé dans un ouvrage récent1.
Les effets cliniques de la souffrance psychique d’origine sociale.
Pourquoi parler d’effets cliniques ? Parce qu’un contexte global, celui de la précarité dans la mondialisation, a des effets psychiques, à différencier absolument d’une psychologisation ou d’une psychiatrisation du monde, à éviter.
Pourquoi « souffrance » ? Parce qu’il s’agit d’un mot de sens commun qui n’a pas besoin d’être défini et qui ne se déduit pas d’une localisation anatomique ; il s’agit d’une douleur d’existence, d’une souffrance qui peut certes accompagner une douleur organique, mais aussi l’humiliation, le mépris social, ou pire l’indifférence, le cynisme. On n’est plus dans l’utopie de 1946, où l’OMS parlait de la santé comme d’un « bien-être complet » bio-psycho-social, mais dans une guerre économique mondiale. Tout centrer sur le « bien-être » devient quasi indécent, et en tous les cas non pertinent : une guerre, fût-elle économique, fait nécessairement souffrir.
…Déjà abonné ?
Les abonnements Carnet Psy
