Lire Jacques Lacan, encore ? À condition de l’écouter penser. C’est la malicieuse et profonde attention de lecture que propose Nicolas Dissez dans cet opus.
L'Œuvre Orale
Le projet manifeste de l’ouvrage a déjà de quoi éveiller une curiosité certaine : l’auteur convie à une lecture parfaitement inédite et transversale de l’œuvre du psychanalyste français via, et uniquement via, les fables imagées qui ont régulièrement traversé l’enseignement du Séminaire, que Lacan lui-même appelait ses « apologues ». De « courtes scènes » qui venaient illustrer le discours, comme de fugaces einfall allégoriques. C’est, disons-le avant tout, particulièrement émouvant, car l’auteur ouvre ici la porte de la plus grande intimité : celle de la pensée d’un homme quand elle robinsonne, se fabrique et cherche à se faire entendre. C’est aussi rappeler que pour Lacan comme pour chacun, comme à travers notre histoire de la pensée, la vie de l’esprit s’est traduite et transmise par des images, de la caverne de Platon au chameau-lion-enfant de Nietzsche en passant par la cigale de La Fontaine, puisque « plaire et instruire » passe aussi par les illustrations offertes aux enfants que nous sommes. Mais c’est, enfin, depuis cette galerie de portraits dans les coulisses de la scène du Séminaire, nous faire ré-entendre, entendre tout, différemment.
Car voilà la force souterraine de ce texte clair, simple, de Nicolas Dissez : il s’agit bien d’écouter et d’entendre. Le livre ouvre pour nous cette écoutille. Dès « l’Ouverture », et son orchestration le rappellera tout du long, l’œil écoute et le découvre ou le redécouvre : l’œuvre de Lacan est orale. Et la transmission
d’une tradition orale doit peut-être d’abord son caractère et…