Voici un livre dont le titre La folie et la psychanalyse ne cache pas son ambition, et qui tient ses promesses. L’ouvrage du psychanalyste Gérard Bazalgette se développe en effet selon plusieurs axes : historique, épistémologique, théorico-clinique, et faisant aussi place à l’analyse d’œuvres littéraires (William Burroughs, Sarah Kane) et cinématographique (David Cronenberg). On trouvait déjà cette quadruple direction - historique, épistémologique, théorico-clinique, et « hors les murs » - dans le titre précédent que Gérard Bazalgette avait publié en 2006 chez Erès La tentation du biologique et la psychanalyse, le cerveau et l’appareil à penser. Mais ici le travail est ordonné autour de la question de la psychose, considérée comme moderne détermination d’une folie intrinsèquement humaine. Le propos n’est pas de produire après bien d’autres un système psychiatrique synthétique, ni de se cantonner en un système psychanalytique sectorisé, mais de viser « un système d’un niveau d’abstraction plus élevé, dont les divers langages causalistes pourraient être les déterminations ». On comprend qu’il s’agit d’un ouvrage exigeant, mais le lecteur sera largement récompensé par la profondeur et l’originalité des apports qu’il y trouvera.
G. Bazalgette, et ce n’est pas le moindre intérêt de son travail, se réfère aussi bien à Piera Aulagnier qu’à Melanie Klein, à Lacan et, plus fondamentalement, à Freud. D’autres auteurs, moins cités, contribuent manifestement à enrichir les perspectives dévelop-pées, Winnicott en particulier. Et c’est à chaque fois pour s’appuyer sur leurs thèses, mais aussi pour les faire travailler en fonction d’une riche clinique et d’une réflexion personnelle d’une grande rigueur, sans craindre de questionner voire de contester des positions dogmatiques trop souvent considérées comme intangibles. On sent qu’on est au cœur de ce que la psychanalyse devrait toujours être : une théorie reposant sur des principes, mais dont les propositions…