La parution du dernier livre de Pierre Delion, La République des faux selfs, est intervenue au moment du déclenchement de la crise dite des « gilets jaunes ». Cette crise s’approfondit et elle n’est pas achevée au moment de rédiger cette recension. Aussi la lecture qu’on en fera sera nécessairement placée sous l’influence de ce contexte agité et passablement inquiétant.
Mais ce n’est pas une mauvaise chose car cette crise, comme souvent, nous permet, au-delà de la perplexité, de l’angoisse mais aussi des aspirations qui se font jour, d’apprécier d’autant plus les réflexions du pédopsychiatre, psychanalyste, auteur de nombreux ouvrages qui militent tous pour une psychiatrie « à visage humain » qu’est Pierre Delion. Depuis l’élection de Trump à la présidence des Etats-Unis jusqu’à l’entrée en fonction de Bolsonaro au Brésil, une chose est devenue patente : la perte de la consistance et de la dignité du Politique. Ce ne sont pas les mots qu’emploie Pierre Delion. Mais ils viennent à l’esprit dès les premières lignes de son ouvrage : « une démocratie menacée de déréliction » que l’auteur a choisi d’intituler : la République des faux-selfs. L’expression, on le sait, est de Winnicott et l’objectif comme l’enjeu de cet ouvrage est d’en donner une traduction politique.
Le faux-self, c’est le moi qui troque son authenticité contre l’image qu’il donne à autrui, « quitte à la travestir pour séduire, voire manipuler » (p. 90). Nous sommes saturés d’images, ce qui préoccupe les soignants et les éducateurs, y compris les parents (tous « psychistes ») : exposer les enfants aux écrans est un phénomène inquiétant, comme l’est de plus en plus la ramification narcissique des réseaux sociaux. On y perd, avec l’authenticité, dont on ne sait pas toujours…