Les bébés peuvent se laisser mourir, les adolescents le veulent aujourd’hui de plus en plus tôt. A tout âge, la mort demeure irreprésentable si ce n’est par ses effets de bordure (rites funéraires, douleur des endeuillés …), effets de bordure que les bébés ne peuvent, certes, en rien mentaliser à la différence des préadolescents ou des adolescents. Pour autant, les bébés peuvent se laisser mourir et L. Kreisler proposait ainsi d’entendre chez les tout-petits le terme de dépression dans son acception la plus directe, soit celle de « dé-pression », de chute de pression des pulsions ou des instincts de vie.
Quant aux enfants, ils sont de plus en plus nombreux, dans nos grandes villes occidentales, à vouloir mourir avant même l’entrée dans l’adolescence qui apparaît comme souvent entravée par un découplage entre la puberté et le pubertaire cher à Philippe Gutton. Y aurait-t-il alors un lien pensable entre ces deux phénomènes qui renvoient bien sûr à une dimension de destructivité inquiétante ? Si corrélation il y a, celle-ci est sans doute largement surdéterminée.
Ceci étant, il semble plausible d’imaginer que si, aujourd’hui, les bébés ont de moins en moins le temps suffisant pour être bébés du fait d’une culture ambiante de la rapidité, alors leurs processus d’accès à l’intersubjectivité et à la subjectivation risquent d’en être fragilisés, et leur remise en chantier en fin de période de latence ne peut alors que s’avérer difficile voire dangereuse.
Se laisser mourir ou vouloir mourir, c’est laisser le sujet en dehors de la scène ou bien l’en faire sortir. Dans les deux cas, c’est la destructivité qui prend le dessus à la faveur de notre exaltation qui nous pousse, hélas, à trop souvent vouloir que les bébés et les adolescents grandissent vite, trop vite !