La question de la maternité est un défi au psychisme et au corps de la femme. Un défi d’autant plus exigeant chez les patientes souffrant d’un Trouble des Conduites Alimentaires (TCA).
Défi de la féminité, du féminin, de la rencontre de l’autre, de la sexualité.
Défi de la grossesse, de ses modifications corporelles et psychiques, de la passivité, de la perte de contrôle, du questionnement identitaire. Des questions qui ne sont pas sans rappeler, raviver, les problématiques adolescentes.
Défis de la parentalité, du changement de statut générationnel, et de l’inscription dans l’histoire transgénérationnelle familiale, qui vont réactiver les questions d’autonomisation, séparation, différenciation, individuation et leur pendant, dépendance, abandon, intrusion, emprise. Ces questions, l’anorexie mentale semblait les avoir balayées ; via l’aménorrhée, l’infertilité, l’asexualité, le repli.
L’augmentation de la prévalence des TCA, tout autant que la possibilité d’accéder à la maternité par les voies de la Procréation Médicale Assistée ont fait de ces questions de la maternité un « fait accompli » devant lequel les cliniciens de psychiatrie, obstétrique ou pédopsychiatrie, se doivent une réflexion conjointe.
Au profit de cette publication, nous tacherons d’identifier les enjeux médicaux, psychiatriques, psychodynamiques de la maternité, tant pour la mère que pour l’enfant. En partageant les expériences des cliniciens confrontés aux questions de la maternité chez les patientes TCA, et au regard des données de la littérature, nous tenterons d’apporter une sensibilisation, un questionnement, et des pistes de réflexions sur la réponse à proposer aux patientes.
Dans cette première partie, nous introduirons, par une revue de la littérature, les risques médico-psychiatriques pour la mère et l’enfant au cours et décours de la grossesse et des interactions précoces (A. Pham-Scottez). Nous présenterons les enjeux psychodynamiques des questions de la maternité chez les patientes TCA et du shunt de celles-ci dans la réponse technique apportée par la PMA seule (M. Bourgain et M. Corcos). Nous repartirons de la clinique de l’adolescente souffrant d’un TCA, pour comprendre à quel point s’y jouent déjà les questions et conflits qui, irrésolus, éclateront lors d’une éventuelle grossesse (I. Nicolas).
Dans la seconde partie (parution le 25 janvier 2018, Carnet Psy n°213), nous ferons part du retour d’expérience des thérapeutes et soignants qui accompagnent ces femmes au cours et décours de la grossesse. Psychiatre et psychologue spécialisés dans la prise en charge de TCA, liaison psychiatrique en service de maternité à l’IMM, thérapeutes familiaux, pédopsychiatre assurant le suivi de dyades mère TCA – enfant. En gardant à l’esprit que la première difficulté n’est pas le suivi de ces patientes mais leur absence de suivi.
