La décision vécue comme soudaine de la mise en place du confinement à l’échelle nationale pour tenter d’enrayer la propagation du virus nommé « coronavirus » ou « Covid-19 » nous a plongés dans une situation de travail inédite. Dans cet article, après avoir esquissé les grandes lignes du contexte dans lequel s’inscrivent ces réflexions, je développerai plus précisément les quelques enseignements qu’ont pu nous apporter cette nouvelle pratique clinique d’entretiens téléphoniques que nous avons pu mener avec les enfants et les parents de consultations externes en service de pédopsychiatrie.
Une attaque massive des liens
Dans un hôpital de la région alsacienne particulièrement touchée par la pandémie, l’arrêt des consultations, que l’on appelle aujourd’hui « en présentiel », du service de pédopsychiatrie dans lequel j’exerce en tant que psychologue clinicienne a été brutal. Prise dans la sidération, penser est difficile. La peur de contaminer ou d’être contaminée entrave fortement la disponibilité psychique dans la relation à l’autre. Face au traumatisme, des mouvements de repli sur soi en quête d’une « bulle » de protection se repèrent du côté des soignants mais évidemment aussi des patients générant ainsi une attaque massive des liens. Se pose alors pour moi la question : comment être contenant pour l’autre lorsque soi-même on se sent ébranlée, décontenancée, angoissée ? Dans ce vertige, à chacun de trouver sa boussole. Face à ce réel qui nous contraint, à chacun d’inventer son chemin en respectant ses limites pour ne pas redoubler les effractions psychiques et trouver « sa » place.
Les paradoxes surgissent et attaquent la pensée, le sens de nos choix. Le discours de la direction de l’hôpital est contraire au discours politique : il faut être « au front » versus il faut rester chez soi. La direction nous interdit…