Crise et psychiatrie
Éditorial

Crise et psychiatrie

Si chaque époque s’organise autour d’une problématique émergente lui conférant son style propre, notre époque se définit par un ressenti collectif de crise. Il ne s’agit pas d’une crise au sens où l’entendait Hippocrate, c’est-à-dire du moment de la décision dans l’évolution d’une maladie, mais au contraire d’une période caractérisée par l’incertitude et l’imprévisible. Il ne s’agit pas d’une crise unique mais de multiples crises, dans de nombreux domaines, avec des temporalités très diverses. L’épicentre de ces crises réside probablement dans la fin du rêve de la modernité, à savoir le mythe de la marche de l’humanité vers le progrès, progrès fondé sur le projet d’un savoir scientifique unifié et exhaustif. Le congrès de pédopsychiatrie, à Reims en mai 2000, a montré que la psychiatrie était concernée par cette crise, au moins dans trois domaines : 1- crises individuelles de développement complexifiant les aspects structuraux habituellement décrits par la psychopathologie, 2- crises environnementales touchant l’institution familiale, l’éducation, les aspects socio-économiques et culturels, le monde du travail, 3- crises des concepts psychiatriques eux-mêmes sous l’influence de la biologisation issue des neurosciences mais aussi des théories écosystémiques. Ceci nous invite à une réflexion renouvelée sur nos théories, nos pratiques, et nos contextes d’intervention. Cette réflexion sera stimulante et novatrice si elle évite le piège de confondre crise et urgence.